
Franz Kafka
Traduction de
Jean-Philippe Toussaint
Le Verdict
2025
48 pages
ISBN : 9782707356932
5.50 €
« Je vous prie de me faire la faveur de publier Le Verdict en un petit volume autonome. Le Verdict, auquel je tiens tout particulièrement, est certes très court, mais il relève plus du poème que du récit, il a besoin d’espace dégagé autour de lui et il ne serait pas indigne qu’il l’obtienne. »
Franz Kafka
Lettre à son éditeur
Écrit d’une seule traite dans la nuit du 22 au 23 septembre 1912, Le Verdict est le texte fondateur de Kafka.
Jean-Philippe Toussaint en propose ici une nouvelle traduction.
ISBN
PDF : 9782707356956
ePub : 9782707356949
Prix : 3.99 €
En savoir plus
Alain Lallemand, Le Soir, mercredi 1 octobre 2025
Toussaint l’écrivain traduit Kafka
Pourquoi un écrivain se lance-t-il dans la traduction ? Eléments de réponse avec Jean-Philippe Toussaint qui vient de traduire « Le verdict » de Kafka.
N’est-il pas étonnant de voir un de nos écrivains, multiprimé, toujours en pleine création (il a travaillé tout cet été à la suite de La clé USB) se prendre de passion pour le texte d’un autre écrivain et dégager du temps pour le traduire ?
Jean-Philippe Toussaint avait déjà franchi le pas en 2023 en publiant Echecs, sa traduction de la nouvelle Le joueur d’échecs de Stefan Zweig. Il récidive cette semaine, avec une ambition plus vaste encore, en publiant sa traduction d’une autre nouvelle, fondatrice dans l’oeuvre de Kafka : Le verdict. Mais qu’est-ce qui pousse ainsi un auteur hors de sa zone de confort ?
« Pour reprendre la citation de Clausewitz (“La guerre n’est rien d’autre que la continuation de la politique par d’autres moyens”), la traduction c’est, pour moi, poursuivre la littérature par d’autres moyens : c’est une autre façon de l’aborder. C’est quelque chose qui m’intéresse beaucoup, que je n’avais pas soupçonné, et c’est passionnant. C’est vrai que ça prend du temps mais, même si je consacre tout mon temps à l’écriture, il reste quand même des tas de moments où je laisse reposer les choses et finalement où je suis disponible. Donc ça n’a jamais rien enlevé au travail littéraire qui reste pour moi prioritaire. »
« Passionnant »
Toussaint ne l’avait pas soupçonné, dit-il, pourtant on sait à quel point il s’attache à la traduction de ses textes, passe parfois des journées entière en colloque singulier avec ses traducteurs, comme ce fut le cas au Collège des traducteurs de Seneffe. Est-ce ces échanges qui l’ont convaincu de traduire à son tour ? « Quand j’ai travaillé avec mes traducteurs, je ne soupçonnais pas que j’allais moi-même passer de l’autre côté. C’est passionnant parce que je vois la traduction des deux côtés. C’est vrai que j’ai commencé par être un auteur traduit, par travailler avec mes traducteurs et, en effet, c’était assez rare, grâce à ce Collège des traducteurs de Seneffe mis sur pied par Françoise Wuilmart. C’était absolument extraordinaire, cette façon dont les traducteurs pouvaient travailler avec moi et moi, je pouvais travailler avec eux, les rencontrer et voir que, finalement, il y avait quelque chose de l’ordre de l’amitié, de très humain, et en même temps quelque chose de très, très pointu dans l’ordre de la littérature. Par ailleurs, il y avait un peu ce fantasme d’un jour traduire un texte. Je l’avais fait avec Le joueur d’échecs de Stefan Zweig et traduire Kafka, c’était aller jusqu’aubout du fantasme. »
Mais pourquoi à nouveau la langue allemande, et pourquoi Kafka ? Car dans son essai L’échiquier, Jean-Philippe Toussaint revenait sur son expérience de traduction de Zweig et notait : « Dans le fond, comme traducteur, je suis meilleur aux échecs qu’en allemand. » Le Belge a une fascination toute particulière pour le Praguois : il y a eu chez Toussaint une « admiration initiale » pour Kafka, tout particulièrement pour la nouvelle Le verdict, écrite en une nuit et fondatrice dans la carrière d’écrivain de Kafka. « Ce texte est extraordinaire parce que c’est un des très rares et presque un des seuls que Kafka va revendiquer. Il l’écrit en une nuit, en effet, et dès qu’il le termine, il projette de le donner à son ami Max Brod pour publication dans sa revue. Un ou deux ans plus tard, il écrit à son éditeur : “J’aimerais bien que ce texte soit publié en un volume autonome.” C’est tout à fait surprenant de la part de quelqu’un qui a passé sa vie à se dérober à la publication, à ne pas vouloir être publié, et même finalement à demander à Max Brod de détruire tout ce qu’il avait écrit. Ce texte-là, il voulait le publier. Le verdict est aussi fondateur parce que ça faisait plusieurs nuits, plusieurs mois, plusieurs années que Kafka s’efforçait d’écrire. Puis, dans cette nuit du 22 au 23 septembre 1912, il écrit Le verdict en une nuit : quelque chose s’est dénoué. Il n’y a pas que moi qui le dis, c’est la nuit où Kafka est devenu écrivain. »